« La mort fait tellement peur qu’on reconnaît toujours au défunt des qualités qu’on n’osait pas lui attribuer de son vivant. Les gens deviennent aimables avec un mort parce qu’ils espèrent qu’on dira aussi des gentillesses le jour de leur disparition […] j’ai deux certitudes : lorsqu’on est mort, on est mort ; et dieu est un terrain idéal pour les intellectuels qui n’ont plus rien à dire […] la vie est la première partie de la mort qui engloutit toutes les personnes. Dieu quels que soient ses substituts, reste pour les dirigeants un moyen de contrôler le cheptel […] La plupart du temps, les gens se mettent à la religion afin de ne pas passer pour un type louche aux yeux des voisins. Au bout d’un moment, tout le pays n’est plus qu’un peuple de miliciens. Le principe numéro un de l’islam est de posséder le pouvoir politique… Je ne crois pas à l’au delà. Mais être athée, c’est déjà croire, puisqu’on nie une existence […] Dieu brille par son absence… »
31 mars, 2008
27 mars, 2008
Yemina meurt, Yemina ne le sait pas...
Yemina, femme paysanne tatouée par le temps et les traditions ;
Yemina, une de celles qui se dévouent à leurs familles, celles dont le plaisir le plus immense est de regarder croître les enfants et les épis ;
Yemina nous l’a expliqué avec ses mots : « rani kont s7i7a kel baghla !» ;
Une légère douleur de l’abdomen avec un ictère d’installation aigue ;
Diagnostic le plus probable : ANGIOCHOLITE…
Les conjonctives de Yemina ont déjà pris cette teinte fluorescente qui donne à son regard ahuri cette dimension inhumaine…
Yemina est malgré tout si fragile ;
Examens complémentaires ;
A l’échographie : Pas d’obstacle sur les voies biliaires qui sont dilatées dans l’ensemble ; le calcul aurait-il migré ?
Yemina attend ;
La fluorescence lui donne de plus en plus cet aspect extraterrestre,
Yemina souffre ;
Un Scanner abdominal montre des formations nombreuses dispersées nodulaires au niveau du mésentère, une formation au niveau du duodénum dont l’origine intestinale ou pancréatique ne peut être affirmée ;
Le diagnostic est confirmé : Ampullome Vaterien localement avancé ;
Tumeur qui comprime l’ampoule de Vater et empêche l’écoulement de la bile ce qui provoque l’ictère ;
La tumeur s’est propagée vers le mésentère, tissu qui assure la vascularisation des intestins, et s’y est métastasé sous forme de nodules multiples ;
Yemina est sous antalgiques ;
Le staff médical s’est réunit ;
La conduite à tenir est ambiguë ;
Tout le monde est consterné ;
L’Ampullome Vaterien a une espérance de vie très basse, un mois tout au plus, il n’est sensible ni à la chimiothérapie ni à la radiothérapie ;
Un geste chirurgical ayant pour but de restituer la continuité de la voie biliaire ne saurait être effectué face à la nature récidivante, l’état général altéré de la malade et ses problèmes d’hémostase…
Tous les jours, la visite du matin nous rappelle toute notre impuissance ;
Tous les jours, Yemina meurt un peu plus ;
Tous les jours, Yemina ne comprend pas ;
Tous les jours, notre frustration métastase en même temps que son cancer ;
Yemina, que le bon dieu prenne soin de toi, que ce qui te reste à vivoter s’écoule le plus dignement possible…
(Portrait de la romancière britannique Virginia Woolf 1882-1941 ; la ressemblance est frappante !!)
07 mars, 2008
06 mars, 2008
Gyrus cingulaire…
La douleur est un processus nerveux de protection ;
Elle permet la préservation du corps humain en évitant la prolongation de tout contact nuisible ;
La douleur est formée par deux composantes : physique et émotionnelle ;
La composante physique permet l’identification de la nature de l’agent causal ou de la stimulation : pression (traumatisme), chaleur (brûlure),… Quant à la composante émotionnelle, elle permet de donner cette dimension désagréable, triste et même insupportable de la douleur.
La lutte contre la douleur est un combat perpétré depuis des lustres ;
Effectivement, laisser quelqu’un souffrir est un acte contraire aux droits de l’homme ;
Il existe des maladies qui annulent la sensation de douleur par la lésion des voies sensitives et qui annulent donc les deux composantes de la douleur chez la personne en question;
Dernièrement, un cas très intéressant s’est présenté volontaire à une étude scientifique en France ;
Ce patient a eu un accident (traumatisme crânien) suite au quel, il ne ressent plus la douleur, pas dans le sens physique du terme mais dans le sens émotionnel !
Il paraît que cet accident a provoqué une déconnection nerveuse au niveau du gyrus cingulaire (plus connu sous le nom de système limbique : partie du cerveau humain qui s’attelle à modérer le comportement et/ou la personnalité du sujet).
Ce monsieur n’est pas seulement incapable de percevoir le caractère affligent de la douleur, IL N’A PLUS PEUR !
Il est incapable de s’affoler à la vue d’une locomotive qui va le heurter, incapable d’avoir une réaction d’esquive face à une aiguille qui va lui transpercer l’orbite ;
Mais aussi incapable de compatir à la douleur des autres dans le sens le plus plat du terme ;
Il n’est pas touché par les images de dégradation physique humaine ;
Ce qu’on pourrait ressentir à la vue du sang ou d’une lésion…
J’ai toujours cru que le système nerveux n’est qu’un ensemble d’interconnections que l’homme module par son éducation, ses habitudes…
Par exemple, si on ne mange pas pendant longtemps, le cerveau finit par cesser d’envoyer des messages de faim, ce qui définit l’anorexie mentale ;
De même, les bouddhistes peuvent contrôler leur système nerveux végétatif (chose tout à fait impossible pour le commun des mortels) par le conditionnement mental… et les exemples abondent ;
Suite à plusieurs rencontres macabres, j’ai cru que l’habitude a pris le dessus, que finalement dompter ce gyrus cingulaire était possible, qu’avoir à côtoyer si fréquemment la déchéance humaine me rendrait insensible…
Ceci dit, un CV fait de cadavres à la morgue, de chirurgies sanglantes, de grands brûlés, d’infections purulentes… ne m’a pas permis un contrôle émotionnel adéquat face à ça :
(Article sur la dynastie mandchoue des QING en Chine (1644-1911) ; image représentant les corps décapités dans la rue des victimes de la révolution chinoise, en 1911)
Je crois que c’est l’atteinte à l’intégrité du corps humain qui m’a le plus touché, pas dans le sens amputation d’un membre mais plutôt face à tout ce que représente une tête humaine…
La tête, c’est là ou tout se passe, les idées, les envies, les sentiments ; pour ainsi dire, la vie !
Décapiter quelqu’un ne peut être confiné à un sens symbolique ;
Décapiter quelqu’un est l’expression d’une volonté de détruire cette personne, de la réduire à néant ;
Décapiter quelqu’un est l’acte le plus barbare qui puisse exister ; même le monde animal ne l’admet pas,
C’est dire que l’homme dans son illusion de supériorité est capable du pire…
Inscription à :
Articles (Atom)