02 février, 2009

La recherche scientifique selon Aristote

Pour un scientifique, la lecture ou la relecture du livre métaphysique d’Aristote s’impose. Ce fils de médecin, né il y a plus de 24 siècles en Grèce et élève de Platon, va développer dans son livre Métaphysique les principes modernes de la recherche scientifique. Cette recherche pour lui, est un sixième sens, et peut être le premier de nos sens, car à la différence des autres sens, qui peuvent être diminués ou supprimés, la recherche reste vivace et constante ; aussi Aristote commence-t-il son livre par écrire que « L’homme a naturellement la passion de connaître, et la preuve que ce penchant existe en nous tous ; c’est le plaisir que nous prenons aux perception des sens » Pour Aristote la voie qui mène à cette recherche est l’étonnement « se poser à soi même des questions et s’étonner des phénomènes c’est déjà savoir qu’on les ignore ». Cet étonnement ne doit pas se contenter des explications faciles « La sagesse n’est pas d’aimer les fables qui cherchent à expliquer les choses puisque la fable, le mythe ne se compose que d’éléments merveilleux et surprenants » Pour entreprendre cette recherche, il faut un pré requis que décrit Aristote par ces phrases « Or rien ne peut s’apprendre qu’à la condition de certaines notions antérieures, soit sur toute la chose qu’on veut étudier, soit sur quelques unes de ses parties, que d’ailleurs ces notions préliminaires viennent de démonstrations ou de définitions » Une fois la recherche commencée, le chercheur va se trouver confronté à l’échec qui fait partie de la solution et qu’il faut savoir accepter « la découverte de la vérité est tout à la fois difficile en un sens ; et en un autre sens, elle est facile. Ce qui prouve cette double assertion, c’est que personne ne peut atteindre complètement le vrai, et que personne non plus n’y échoue complètement, mais que chacun apporte quelque chose à l’explication de la nature ». Cette façon d’intégrer l’échec dans la recherche est retrouvé dans notre expression tunisienne : celui qui fait un effort et réussit a droit à deux salaires et celui qui fait l’effort et ne réussit pas a droit à un salaire. Cette lecture est importante pour dire que la recherche n’est le propre ni d’une époque, ni d’une population, mais le propre de personnes capables de philosopher, de réfléchir. La recherche est un dialogue des civilisations en effet sans les chiffres arabes il n’y aurait pas l’informatique que nous pratiquons aujourd’hui, sans la chimie indienne, de grands chapitres de la médecine arabe n’auraient pas vu le jour, …Chaque époque, mais aussi chaque population, et dans chaque population, chaque individu est capable d’amener sa pierre pour participer à la construction de l’humanité. Aussi c’est par l’ignorance et le dénigrement des autres que se fabrique le choc des civilisations. Revisiter les époques, converser avec Aristote comme le fit Ibn Roshd, dialoguer avec son passé et le passé des autres est la voie qui mène à vivre son époque et à développer la passerelle qui permettra aux jeunes d’aujourd’hui d’acquérir les leviers de gestion de leur destinées et de leur bien être, et permettre à leur tour de dresser les passerelles de leurs enfants. Cette approche oppose au choc des civilisations, le dialogue des civilisations. Mais la recherche pour Aristote ne se limite pas seulement aux résultats de l’expérience, mais elle doit être capable de l’expliquer « l’expérience nous apprend simplement que la chose est ; mais elle ne nous dit pas le pourquoi des choses. L’art au contraire, nous révèle le pourquoi et la cause. Aussi la différence entre les architectes et les ouvriers ; les premiers connaissent les causes de ce qu’ils produisent, tandis que les seconds ne font que travailler de leurs mains. » Cette capacité de pouvoir expliquer est évaluée par Aristote par la capacité de l’homme à transmettre ce savoir « d’une manière générale ce qui prouve qu‘on sait réellement une chose, c’est d’être capable de l’enseigner à autrui.» Cette succession entre observation, compréhension et enseignement est la clé utilisée par de nombreux savants Ibn El Jazzar, Ibn Ennafis, Marie Curie, Charles Nicolle…..Cette méthodologie est retrouvée dans le texte d’Apulée écrit à Carthage en 146 de notre ère. Aristote appuie cette pédagogie quand il ajoute « la science qui étudie les causes peut s’enseigner bien mieux que tout autre ; car le véritable enseignement consiste à exposer les causes de chaque chose en détail » Au chapitre de l’enseignement Aristote insiste sur la pédagogie « l’enseignement ne doit pas être perçu comme un apport étranger, mais pénétrer les esprits sans les déranger» ; et déjà à cette époque notre auteur avertit que « la rigueur mathématique n’est pas à exiger en toute chose, car pour arriver aux solutions vraies qu’on désire il faut préalablement bien poser les problèmes, et que la solution est à chercher parfois dans d’autres sciences ». Cette dernière phrase insiste sur la complémentarité des sciences et la nécessité soit des toutes les maîtriser ce qui est difficile de nos jours, soit de travailler en collaboration avec des scientifiques de disciplines différentes, d’époques différentes comme la ‘collaboration’ d’Ibn El Haythem au développement du microscope et de l’anatomie microscopique, ou du chimiste Pasteur à l’identification des pathologies infectieuses. Toujours au chapitre de l’enseignement Aristote insiste sur le choix des mots pour véhiculer le savoir « il faut d’abord que chacun des mots dont on se sert ait un sens connu, que ce mot exprime une seule et unique chose et non plusieurs à la fois, et que s’il a par hasard plusieurs sens, on sache précisément celui dont on entend se servir » Pour Aristote cette recherche ne doit pas avoir de but lucratif, et que même elle serait le propre des sociétés nanties, car la recherche pour notre auteur ne peut être motivée par l’appât du gain. « Que les hommes qui ont cherché à philosopher ne cultivent cette science si ardemment que pour savoir les choses et non pour en tirer le moindre profit matériel. Ce qui s’est passé alors démontre bien ce désintéressement. Tous les besoins, ou peu s’en faut, étaient déjà satisfaits en ce qui concerne la commodité de la vie et même son agrément, quand survint la pensée de ce genre d’investigation » Au total pour Aristote, la science bien partagé par l’humanité, née de l’étonnement dans un esprit préparé, est évaluée par sa capacité à être enseignée, donc à pouvoir voyager dans d’autres cerveaux. Les idées exprimées doivent être faciles à comprendre, éloignées autant que possible de la rigueur mathématique. Les mots pour la véhiculer de la bouche du chercheur à l’oreille de l’élève doivent être puisés dans le patrimoine de ce dernier. Ils doivent être d’un usage courant. Cette approche aristotélicienne de la recherche est une voie utilisée dans l’histoire des découvertes par de nombreux savants, elle reste encore d’actualité. Pr. Hamza ESSADDAM Chirurgien orthopédiste CHU La Rabta Tunis. H Référence Aristote Agora Métaphysique Ed. Pocket Paris 1991.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Peintre douée, philosophe et médecin !!!
je suis sous la charme gente demoiselle...:-)

Amira Yaakoubi a dit…
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Amira Yaakoubi a dit…
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Anonyme a dit…
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Amira Yaakoubi a dit…
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dandissimo a dit…

la science aujourd'hui est loin d'avoir la définition donnée par aristote.C'est devenu un marché dont la seule finalité est l'intêrêt des entreprises ou au mieux la confort personnel.Surtout avec le nouveaux réforme kifma fil la france, le chercheur doit obtenir des résultats sous peine d'être sanctionné...faut dire zéda illi aristote était trop idéaliste.
mais ça reste trés beau ce qu'il dit.


ps: aloha!, ça fait un bail qu'on s'est pas parlé .j'ai fait un autre blog que "annihilateur de guitare".. :)

Amira Yaakoubi a dit…
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