La langue des signes aurait selon les anthropologues apparue bien avant
les langues orales, du temps où l’appareil phonatoire de l’Homme n’était pas encore
développé.
Il s’agit d’une langue que nous pratiquons instinctivement, certes de
façon non codifiée et ce depuis la naissance
Dans l’Antiquité,
l’intelligence était étroitement liée à la parole.
Aristote pensait que les
personnes qui ne parlaient pas étaient incapables de penser.
Les sourds, qui étaient donc depuis isolés, n’ont pas pu enrichir leurs langues signées et de ce fait ne disposaient pas d’une langue élaborée pouvant ouvrir les portes de l’éducation ; ils passaient donc pour des personnes simples d’esprit.
A partir du 16ème siècle, des
peintres sourds tels que Juan Fernández Navarette, peintre
espagnol, surnommé el Mudo (le Muet), ou Pinturicchio, né Bernardino di Betto, peintre italien sourd qui a entre autres participé au
décor de la chapelle Sixtine, ont été reconnus.
Au cours de cette même période,
des enfants sourds issus de la noblesse espagnole, ont été instruits par des
précepteurs ; Pedro Ponce de Leon fut l’un des premiers percepteurs qui s’intéressèrent
aux codes gestuels existants, on rapporte d’ailleurs, qu’il était le créateur de
l’alphabet manuel ; certains chercheurs modernes suspectent
que cet alphabet soit basé, en partie ou en totalité, sur de simples gestes de
mains utilisés par les moines ayant fait vœu de silence.
Pedro Ponce utilisa cet
alphabet latin signé entre autres, pour enseigner auprès de ces enfants sourds
appartenant à l’aristocratie espagnole ; alors qu’une majorité mettaient plutôt
l’accent sur l’apprentissage de la parole.
L’abbé de l’épée , né Charles-Michel Lespée fut, en 1760, le premier entendant connu pour
son intéret aux modes de communication chez les personnes sourdes
Il avait
découvert en observant des jumelles sourdes, l’existence d’une langue des
signes.
Il décida de
s’appuyer sur cette langue pour instruire les enfants sourds.
Il fonda la première
école pour enfants sourds et a essayé en travaillant avec les sourds de créer des
« signes méthodistes », qui introduisaient des notions grammaticales
propres à la langue française comme la conjugaison mais l’erreur était de
vouloir assimiler la structure syntaxique du français à
celle de la gestuelle des sourds.
C’est entre autres ce qui explique l’échec de
cette méthode d’enseignement qui ne tenait pas compte de l’identité culturelle
sourde, les signes étaient créés par des personnes entendantes et imposés aux
sourds ;
Cette école
est devenue aujourd’hui l’Institut national des jeunes sourds ou Institut Saint-Jacques, à Paris.
En 1791, deux ans après la mort de l’abbé de l’épée, l'Assemblée nationale française reconnu que les sourds devaient bénéficier, comme les autres
citoyens des Droits
de l'homme.
Cette même
période avait connu l’apparition du courant « oraliste » qui
stipulait que les sourds doivent apprendre à parler pour s’intégrer dans la
société.
Ainsi, Le congrès de Milan qui s’est tenu en 1880 interdit la langue des
signes en argumentant que ce n‘est pas une vraie langue, qu’elle ne permet pas
de parler de Dieu et que les signes empêchent les sourds de bien respirer et
favorisent la tuberculose.
Ainsi, la
langue des signes a été proscrite pendant 100 ans et dans les instituts de
sourds, les élèves signaient en cachette.
Durant les années
1980, se produit ce que les sourds appellent le «réveil sourd».
A ce moment,
l’épidémie de VIH à ses débuts tua beaucoup de jeunes y compris sourds et un
grand mouvement d’indignation naquit ; les jeunes sourds voulaient
comprendre ce qui arrivait à leurs amis ; ainsi fût créée la première
grande consultation en langue des signes à l’hôpital Pitié Salpêtrière à Paris ;
c’était la première fois que les sourds avait un vis-à-vis institutionnel dans
le domaine de la santé qui parlait leur langue ;
La langue des
signes commence alors à reconquérir ses lettres de noblesse avec William Stokoe,
linguiste, qui étudie la langue des signes comme une véritable langue. Des
chercheurs en linguistique et en sociologie tels que Christian Cuxac et Bernard
Mottez poursuivent ce travail et mettent en avant la culture sourde qui y est
rattachée y compris sur le continent américain avec la création de l’International Visual Theatre (IVT).
Une réflexion
sur la nécessité d’une philosophie bilingue pour l’enseignement auprès des
élèves sourds commence alors à germer dans les esprits et ce sera la société
civile qui prendra l’initiative de lancer ces cours dans un contexte législatif
et sociologique difficile.
Progressivement
les mentalités et les représentations évoluent.
Les combats
menés depuis 25 ans pour la reconnaissance de la langue des signes commencent à
porter leurs fruits via la reconnaissance de la LSF comme
«langue à part entière» en France en 2005, la LST est également reconnue comme
langue officielle en Tunisie en 2006.
En 2008, la
LSF devient une option pour le Bac, comme n’importe quelle autre langue.
En 2010, le
CAPES de LSF est créé.
En Tunisie,
un enseignement universitaire est créé visant la formation d’interprêtes en
langue des signes.
A travers l’histoire
de l’humanité et dans les différents contextes, l’apprentissage de la
communication orale était imposé aux personnes sourdes ; par la suite, une
frénésie de tout traiter rendit l’appareillage auditif une quasi obligation ;
Ces deux méthodes
sont malheureusement souvent vécues comme des agressions par les personnes
sourdes.
Les sourds
ont toujours été obligés de s’adapter aux entendants et jamais l’inverse ;
imposer la langue parlée à une personne sourde est une violence équivalente à
lui d’imposer des signes créés de toutes pièces qui n’ont aucune logique
pour le fonctionnement de la noèse sourde ;
Ainsi, il est
important de souligner que toutes les langues des signes sont importantes, qu’elles
soient étudiées, héritées, ou fruit d’un brassage ;
Chaque
personne a le droit de communiquer dans sa langue car la langue est la porte de
l’identité ;
La langue des
signes est un superbe exemple de l’impact des migrations, ce brassage culturel
tant acclamé, se trouve tout juste à son apogée chez les sourds qui par soucis
de communication font évoluer leur langue en fonction de leur environnement,
qu’il soit naturel, culturel ou social ;
Ça nous pousse à réfléchir sur des questions théoriques
fondamentales telle la production symbolique des identités collectives, la
cohésion sociale et l’analyse des processus sociaux de catégorisation.
La ou les entendant
ont échoué, les sourds ont réussi : la création d’un langage commun comme première
étape vers la cohabitation, la lutte contre la discrimination et l’instauration
de la tolérance.
Parce que la
santé est un droit fondamental et qu’il n’existe pas d’accès aux soins sans
communication, nous vous invitons à signer et partager notre pétition visant l’OMS
pour rendre l’accès des sourds aux soins en langue des signes une priorité, dans le monde.