Pendant mes longues périodes d’hibernation, je survie grâce à l’illusion du foisonnement créateur qui m’entoure ; je m’attarde sur chaque mot, chaque idée…
Je me complais dans cette croyance qu’après, dans quelque temps ; je pourrais laisser jaillir tout ce que je pense, tout ce que je ressens avec force et audace ; que ça coulerait de tous mes pores, que ça envahirait l’espace…
Mais l’hibernation se prolonge et j’assiste chaque jour à l’évanouissement de mes idées, de mes envies qui brûlent à petit feu et se recroquevillent fatiguées d’avoir tellement dansé dans ma tête, dans un petit coin sombre de ma mémoire qui s’effrite…
Au loin, je vois la lumière ; le bout du tunnel !
La délivrance pour bientôt !
Allez ;
Dansez !
Bougez !
Levez vous !
Je relève un membre qui retombe lourdement,
Je touche des masses froides,
Je sens l’odeur du cadavre…
Mes idées se meurent
Mes envies se sont suicidées
Et quand enfin le printemps arrive ; je reste là, vide et vidée.
Rien qu’un volume qui respire l’air des autres,
Un cerveau ankylosé,
Une imagination aplasique,
Inutile.
J’ai décidé d’être ‘donneur d’organe’
Mon cœur, fais circuler un sang immaculé de rêve ;
Mes poumons, respirez la joie de vivre ;
Mes oreilles n’entendez pas, écoutez
Mes yeux…
Vous mes yeux…
Après avoir tout pris,
Je voudrai que mon squelette soit érigé pour recevoir les oiseaux
Qui viendront me parler d’autres cieux,
Me chanter d’autres musiques…
27 décembre, 2007
Quelle beauté ! Quelle beauté?
« Tout est beau » (Malraux; écrivain français). La beauté a le mérite de foisonner partout tout en étant inaccessible ; elle est aussi difficile à définir car elle est subjective et universelle en même temps, elle implique donc pour l’homme -qui a toujours besoins de contrôler ce qui l’entoure, de la définir dans des intervalles bien précis pour avoir l’impression de contrôler- une légalité sans loi.
Définir la beauté comme perfection universelle a été l’une des premières tentatives pour la vulgariser qui a échoué, comme toutes tentatives de conceptualisation de la beauté ; le beau : « pas de concepts pour le définir ; pas de recettes pour le produire ».
Ceci a conduit alors à la création d’un concept annexe : l’harmonie qui désigne l’agrément que l’œil ou l’oreille trouve à ce que l’éducation a formé à percevoir mais qui ne cerne hélas pas la beauté.
Puisque la raison fuit toute extrémité et veut que l’on soit sage avec sobriété ; on ne va donc pas suivre ce misérabilisme philosophique qui croit qu’ « il n y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien » (Gautier), ni ce courant idéaliste qui définit le beau comme « la vertu de l’objet sensible et signifiant en qui l’être s’identifie à la valeur… ».
Soyons objectifs !
Nos impressions de la beauté ne peuvent pas se fondre dans l’intelligible, la beauté est un besoin mais aussi une finalité sans fin (On ne traite pas de la beauté métaphysique ou morale) mais l’idéalisation artistique de la beauté du corps humain est inévitable et met le chirurgien plasticien face à un dilemme ; produire du beau sans concepts ni règles et sans l’interférence de son propre jugement de l’esthétique qui est subjectif en veillant à ne pas virer vers l’esthétisme (mettre en 1er plan la virtuosité).
Une tâche difficile, surtout que sous bien des aspects, la quête de l’amour par exemple se confond avec celle de beauté, rien de plus cohérent, puisque « c’est de la contemplation de la beauté que s’éveille l’amour » (A. Fremaux Crouzet). L’état psychologique des patients -eux même influencés par la beauté standardisée imposée par les media et transposée des cultures dominatrices- est donc fragile car ils croient que la chirurgie plastique sera la quintessence qui résoudra leurs problèmes d’intégration, de mal-être et même d’embauche ou de ménage…
Doit-il accomplir les désirs ou même fantasmes de ses patients ou leur imposer sa vision des choses ? Sa vision est-elle nécessairement valable, plus encore serait-elle capable de satisfaire leurs besoins ?
La solution pourrait être l’adoption du « beau » des spécialistes du corps humains, tel Pierre Paul Rubens (1577-1640), l’un des plus grands noms de la peinture baroque, célèbre pour avoir dépeint dans ses toiles des figures féminines aux formes généreuses et sensuelles et qui a instauré la théorie de la figure humaine : « La figure circulaire domine chez la femme ; Platon assure que c’est la figure la plus belle. La forme arrondie élément primitif, est la cause et le principe de toute beauté…
Chez l’homme, le cube et le carré sont les éléments de la force, de la grandeur et de la grosseur.
Les éléments de la figure humaine sont différents chez l’homme et la femme; chez l’homme tous les éléments tendent à la perfection, comme le cube et le triangle équilatéral ; chez la femme, au contraire, tout se trouve plus faible et plus petit. D’où chez la femme, la perfection est moindre, mais l’élégance des formes est plus grande…»
On peut encore choisir de regagner le rang des admirateurs des anciens mythes de la beauté féminine dont voici quelques critères : elle doit être d’une stature médiocre, et ne point tomber dans le défaut d’être ou trop grande, ou trop petite, mais tenir un juste milieu, avec une proportion élégante dans ses membres, conformément aux exemples que nous ont laissés les anciens sculpteurs grecs. Le corps doit être d’un embonpoint modéré, suivant le modèle des statues antiques...
« Ne vous lassez point, dit le poète romain Ovide, de louer les grâces de son visage, la beauté de ses cheveux, la délicatesse de ses doigts, et la petitesse de son pied… »
Autre alternative serait de suivre les modèles de beauté imposés par les productions cinématographiques telles Bette Davis (années 40) Marilyn Monroe (années 60) Catherine Deneuve (années 70), Angelina Joli…
Force est de constater que la notion de beauté fait part intégrante de la culture et varie donc selon l’imprégnation culturelle de l ‘homme qui est ‘culturable’ à merci.
Ces dogmes se rapportant à la beauté ne sont pas dévolus; les notions ont changé, -évolué ou régressé, a vous d’en décider car affirmer « ceci est beau », c’est prononcer un jugement de goût- et ne resterons pas les mêmes pour longtemps encore.
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de gustibus et coloribus non disputandum
LE BONHEUR
L’homme est désir et le désir est manque. C’est pourquoi, pour Schopenhauer comme pour le Bouddha, toute vie est souffrance: «Vouloir, s’efforcer, voilà tout leur être; c’est comme une soif inextinguible. Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur...». Bien entendu, si le manque est souffrance, la satisfaction est plaisir. Mais cela ne fait pas un bonheur: «Tout désir naît d’un manque, d’un état qui ne nous satisfait pas; donc il est souffrance tant qu’il n’est pas satisfait. Or nulle satisfaction n’est de durée; elle n’est que le point de départ d’un désir nouveau [...]. Pas de terme dernier à l’effort, donc pas de mesure, pas de terme à la souffrance...». Il n’y a donc pas, il ne peut y avoir d’expérience du bonheur: ce que nous expérimentons, c’est d’abord l’absence du bonheur (le désir, le manque, la souffrance...), puis (satisfaction) l’absence de son absence. Sa présence, donc? Non, et c’est ici que Schopenhauer est le plus profond: ce que nous expérimentons, quand le désir enfin est satisfait, ce n’est certes plus la souffrance (sauf quand un nouveau désir, et cela ne saurait tarder, aussitôt renaît...), mais ce n’est pas non plus le bonheur. Quoi? Au lieu même de sa présence attendue, le vide encore de son absence abolie. Cela s’appelle l’ennui: en lieu et place du bonheur espéré, le creux seulement du désir disparu... Pensée désespérante, dit Schopenhauer: le bonheur nous manque quand nous souffrons, et nous nous ennuyons quand nous ne souffrons plus. La souffrance est le manque du bonheur, l’ennui son absence (quand il ne manque plus). Car l’absence d’une absence, c’est une absence encore. «Ah! Que je serais heureux, disait-il, si j’avais cette maison, cet emploi, cette femme!...» Voici qu’il les a; et certes il cesse alors (provisoirement) de souffrir – mais sans être heureux pour autant. Il l’aimait quand il ne l’avait pas, il s’ennuie quand il l’a... C’est le cercle du manque: tantôt nous désirons ce que nous n’avons pas, et nous souffrons de ce manque; tantôt nous avons ce que nous ne désirons plus (puisque nous l’avons), et nous nous ennuyons... Schopenhauer conclut, et c’est la phrase la plus triste de l’histoire de la philosophie: «La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui...». Misère de l’homme. Le chômage est un malheur, mais chacun sait bien que le travail n’est pas pour autant, en tant que tel, un bonheur. Et il est affreux de n’avoir pas de domicile; mais qui serait heureux, simplement, d’en avoir un? On peut mourir d’amour, enfin, mais point en vivre: déchirement de la passion, ennui du couple... Il n’y a pas d’expérience du bonheur, il ne peut y en avoir. C’est que le bonheur, explique Schopenhauer, n’est rien de positif, rien de réel: il n’est que l’absence de la souffrance, et une absence n’est rien. «La satisfaction, le bonheur, comme l’appellent les hommes, n’est au propre et dans son essence rien que de négatif ... Le désir, en effet, la privation, est la condition préliminaire de toute jouissance. Or avec la satisfaction cesse le désir, et par conséquent la jouissance aussi». Le désir s’abolit dans sa satisfaction, et le bonheur se perd dans ce plaisir. Il manque donc toujours (souffrance), même quand il ne manque plus (ennui). Il n’existe qu’en imagination: tout bonheur est d’espérance; toute vie, de déception.
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