23 janvier, 2008

AYURVEDA

L’Ayurveda est le nom sanskrit de la «science de la vie», c’est-à-dire de la médecine indienne conçue comme comprenant toutes les conditions organiques, biologiques et psychologiques de l’existence dans la santé et la maladie, ainsi que les règles de la pratique médicale. L’Ayurveda est théoriquement rattaché, dans l’ensemble du savoir traditionnel indien, à l’ensemble de textes sacrés dit Veda, le «savoir» par excellence. Il y est rattaché tantôt comme un membre supplémentaire de l’Atharvaveda (recueil d’hymnes et de charmes), tantôt comme un «sous-veda» du Agveda (recueil d’hymnes). Il est, théoriquement aussi, divisé en huit branches: chirurgie générale, ophtalmologie et oto-rhino-laryngologie, thérapeutique générale, médecine des possessions démoniaques, obstétrique et puériculture, toxicologie, médecine tonifiante, médecine des revigorants et aphrodisiaques. Les principaux textes conservés sont la Carakasamhitâ et la Susrutasamhitâ qui donnent à l’Ayurveda une origine légendaire et divine, mais lointaine. À côté d’eux existe une littérature ayurvédique foisonnante comprenant d’autres traités généraux, des manuels spécialisés, des dictionnaires et des commentaires. Les manuels spécialisés concernent les occasions de naissance des maladies, de la connaissance desquelles découlent une hygiène très développée, la thérapeutique et la matière médicale. Telle qu’elle se présente dans les grands traités classiques, la médecine ayurvédique se veut rationnelle et se distingue explicitement des médecines religieuse et magique. Elle cherche effectivement à fonder les diagnostics, les pronostics et les indications thérapeutiques sur l’observation, complétée par les connaissances apprises au préalable, et sur l’inférence du symptôme à sa cause. Elle tente de se représenter rationnellement l’enchaînement des processus vitaux et de leurs perturbations, ainsi que l’effet des médicaments. Parmi les causes des maladies, elle attache une grande importance aux écarts de régime ou de comportement en rapport avec les divers climats et saisons, d’où le grand développement de l’hygiène du comportement et de l’alimentation. L’ayurveda fait seulement une place restreinte aux possessions démoniaques, et c’est uniquement dans des parties bien distinctes de ses exposés purement rationnels qu’il traite de présages irrationnels, apparemment empruntés à la tradition babylonienne par l’intermédiaire de l’Empire perse à l’époque de la domination achéménide du bassin de l’Indus. La doctrine générale de la physiologie et de la pathologie enseignée par l’ayurveda distingue dans le corps humain les cinq éléments de la nature: la terre (représentée par les os et les chairs), l’eau (représentée par la pituite), le feu (sous la forme de la bile), le vent (représenté par le souffle respiratoire et par des souffles organiques censés parcourir tout le corps et l’animer de mouvements), enfin le vide (qui se trouve dans les organes creux). Les maux (roga) et les maladies (vyadhi) sont décrits et différenciés, d’une part, d’après leurs symptômes (laksana), d’autre part, selon leur origine supposée. Par exemple, les fièvres (jvara) forment un groupe caractérisé par le symptôme commun d’hyperthermie, à l’intérieur duquel on distingue les fièvres continues, intermittentes, passagères et encore celles qui sont diversifiées d’après l’action (supposée par inférence) du souffle, de la bile ou de la pituite, ou des trois dosa simultanément (sannipata, états typhoïdes). Les paralysies et troubles moteurs sont des maladies du «vent», c’est-à-dire de la circulation des souffles moteurs. Le tétanos et l’épilepsie y sont rattachés. Cette dernière est caractérisée par la perte de mémoire de la crise (apasmara) qui l’accompagne. Les traitements ayurvédiques sont médicaux, à base de régimes et de médicaments, ou chirurgicaux. La matière médicale est surtout végétale. Il existe aussi une thérapeutique par des préparations minérales, alchimiques, souvent à base de sels de mercure ou d’arsenic. Elle fait l’objet de traités nombreux, mais distincts en général des traités d’ayurveda. Cependant, dans bien des ouvrages médiévaux et modernes, les thérapeutiques végétales et chimiques sont mêlées. Les formes médicamenteuses sont multiples, les mêmes que dans la pharmacopée européenne, qui a utilisé de nombreuses plantes indiennes et en utilise encore quelques-unes. L’excipient est souvent l’huile. Un grand usage est fait de bains médicamenteux, de suffusions, d’inhalations et de fumigations. Les traitements chirurgicaux, en dehors des interventions de petite chirurgie, des réductions de fractures et de luxations et des bandages, révèlent une grande hardiesse des chirurgiens, qui toutefois réservent expressément le pronostic. Les principales opérations sont la taille périnéale de la pierre, l’embryotomie, l’abaissement de la cataracte, les sutures intestinales. Celles-ci étaient pratiquées selon une méthode originale qui évite les sutures par fils non résorbables, en faisant mordre par de grosses fourmis aussitôt décapitées les bords affrontés de la plaie. La méthode indienne de greffe de peau (spécialement pour la réfection du nez) a été longtemps employée en Europe. Elle prend le greffon au voisinage de la plaie à recouvrir, en lui gardant un pédicule vascularisé. La médecine ayurvédique, concurremment avec d’autres médecines traditionnelles est encore largement pratiquée en Inde. Ses partisans la prônent parfois par orgueil national, mais souvent aussi comme utile aux populations auxquelles la médecine moderne n’est pas accessible, parce que coûteuse ou non encore suffisamment répandue. Ceux-là revendiquent un enseignement régulier de l’Ayurveda, afin d’éviter son application incompétente et malheureuse par des guérisseurs improvisés. Leurs adversaires s’opposent au contraire à tout contrôle de son enseignement qui lui donnerait un caractère officiel et retarderait la généralisation du recours à la médecine moderne. Les plantes médicinales indiennes sont aujourd’hui activement étudiées pharmacologiquement. Elles peuvent en effet fournir des modèles chimiques naturels de substances efficaces, à condition que les indications thérapeutiques en soient dûment précisées, en accord à la fois avec la tradition et la médecine moderne.Référence : AYURVEDA : FILLIOZAT Jean (professeur honoraire au Collège de France)

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