23 janvier, 2008

LES TECHNIQUES DE LONGUE VIE DU TAOÏSME :

Le Dao est le Principe régulateur de l’Univers, le système absolu de la perfection en toute chose, était un sujet de spéculation commun à tous les penseurs de la Chine ancienne et non l’apanage exclusif des mystiques auxquels, par la suite, on a donné le nom de taoïstes. Maintenant, le taoïsme est la religion populaire de la Chine qui mêle le culte des ancêtres, la philosophie de Lao-Tseu et des croyances diverses. Le livre chinois le plus traduit dans les langues occidentales est le célèbre Daode jing qui contient des maximes, des aphorismes et des centaines de commentaires. L’auteur de ce livre reste jusqu’à ce jour inconnu. Il était surnommé «Vieux Maître», toutes autres informations relèvent de la mythologie. Le texte lui-même ne comporte aucune indication ou allusion quant à la date et au lieu de sa composition. On y trouve les clés souvent énigmatiques de la pensée du Vieux Maître. Le Dao du vieux maître est qualifié de «néant» (wu). C’est un vide rempli de potentialités et d’efficacité. Le Dao est vu comme une matrice: la Mère de tout-sous-le-Ciel : «Le Dao donna naissance à l’Un. L’Un donna naissance aux Deux. Les Deux donnèrent naissance aux Trois. Les Trois donnèrent naissance aux dix mille êtres…». Pour les taoïstes, les passions usent et causent une déperdition de vitalité. Pour durer, il ne faut pas produire des choses «de soi-même», mais tout laisser à l’état originel (ziran). Cette spontanéité s’obtient par le «non-agir» (wu wei): ne pas intervenir, ne pas troubler l’harmonie naturelle par les inventions de notre esprit. Il faut abolir la prétention à la sagesse et rejeter le savoir, car «celui qui poursuit l’étude augmente chaque jour, tandis que celui qui pratique le Dao diminue chaque jour. En diminuant de plus en plus, on arrive au non-agir. En n’agissant pas, il n’y a rien qui ne se fasse». Le saint rejette le savoir, les préoccupations humanistes, Il devient comme un nouveau-né, si proche encore du chaos utérin dont il vient de sortir, garde au complet toutes ses forces vitales et son action est parfaitement spontanée. Un tel être est invulnérable, car «il n’y a en lui aucune place pour la mort». Au bout d’une longue gestation, l’enfant immortel grandissait jusqu’au point où il quittait le corps mortel pour s’élancer vers les régions paradisiaques. Les taoïstes ne pratiquaient pas l’ascèse corporelle, le jeûne et autres mortifications, mais s’adonnaient au contraire à des pratiques vivifiantes mentionnées dans le Zhuangzi : l’extase, l’ataraxie complète, le wu wei (une transe) et un ensemble de croyances dites de Longue Vie (Changsheng) qui ont pour but de rendre le pratiquant un surhomme (zhi ren) ou homme parfait (zhen ren): pratiques respiratoires, diététiques, sexuelles… qui conduiraient à l’immortalité : «Le vrai sage vit mille ans, après quoi, las de ce monde, il le quitte et s’en va vers les Immortels. Monté sur un nuage blanc, il arrive dans la région des dieux». Huangdi (un roi qui a laissé tombé son royaume pour le taoïsme) s’adressa au Maître et demanda: «Que faut-il faire pour gouverner son corps afin de vivre longtemps?» «Excellente question, dit le Sage. Soyez recueilli! Soyez pur! Ne fatiguez pas votre corps, n’agitez pas votre essence spermatique, et vous vivrez éternellement». Ainsi, Huangdi apprit la vérité fondamentale pour les taoïstes, à savoir que toute activité au sein du monde (macrocosme) doit obligatoirement être précédée par une mise en ordre à l’intérieur du corps (microcosme). Tel est le début de la carrière de l’Empereur jaune en tant que saint taoïste. Il est considéré comme l’auteur de nombre d’ouvrages de médecine. Celui qui subsiste est le Huangdi neijing dans lequel on trouve des consignes pour vivre longtemps : il faut savoir se conformer aux mouvements alternatifs du Yin et Yang et s’adapter aux «nombres scientifiques», par exemple : pour les techniques sexuelles ou pour l’acupuncture, les circonstances météorologiques doivent être prises en considération… Le taoïste s’entraîne à retenir son semen (son «essence») par des procédés mentaux et physiques et s’efforce de surcroît d’absorber l’essence féminine (la technique n’était pas réservée aux mâles; les femmes pouvaient s’y livrer aussi, en essayant au contraire de recueillir le maximum de matière masculine). Après avoir épuisé une femme, on devait passer à une autre. «Huangdi coucha avec mille deux cents femmes en une nuit et devint immortel; les gens du commun ont une seule femme et se détruisent la vie.» L’union des matières subtiles dans le corps de l’adepte lui permettait alors de devenir «à la fois Yin et Yang» et de nourrir «l’embryon de l’Immortalité». Ici, l’on quitte le domaine de la médecine proprement dite pour entrer dans celui de la physiologie taoïste des arts de Longue Vie. Il existe tout d’abord un fond commun attesté par le Huangdi neijing. Là, le corps apparaît comme un assemblage de matières (souffles) de qualités diverses. Les gros souffles, apparentés aux matières terrestres, forment les os, la chair ; les souffles d’essence céleste, sont représentés par le sang et l’esprit ; les Cinq Viscères (cœur, poumons, reins, foie et rate) correspondent aux Cinq Éléments (feu, métal, eau, bois et terre), qui de nouveau correspondent aux orients (les quatre vents et le centre), aux couleurs (rouge, blanc, noir, azur et jaune), aux saveurs, aux saisons, etc. Les souffles du corps avaient tous une efficacité spirituelle (ling) qui pouvait s’extérioriser et communiquer ainsi avec les essences correspondantes dans le macrocosme par la pratique de la méditation extatique (zuo wang) et la prise du sulfure de mercure (cinabre) considéré somme la drogue de l’immortalité par excellence, qui était transformé en vif-argent, puis reconverti en sulfure neuf fois (neuf est le nombre correspondant au Yang suprême) . Il semble que les taoïstes, connaissaient les propriétés toxiques du cinabre et l’absorption pure et simple, sauf à très petites doses, n’était pas pratiquée. Respiration embryonnaire, pratiques sexuelles, alchimie intérieure et extérieure étaient loin d’être les seuls procédés. La Biographie des Immortels (Liexian zhuan ) donne, à travers les légendes, un inventaire d’autres procédés: abstinence de céréales accusées d’être à l’origine de la décrépitude et de la mort; absorption de drogues végétales tels le champignon de l’Immortalité, les graines du pin… et minérales recueillis au cours de randonnées dans les montagnes, gymnastique alliée aux pratiques respiratoires; procédés magiques, astrologiques... Toutes ces pratiques prometteuses d’une longue vie et même d’immortalité n’auraient-elles pas consommé les vies des adeptes, montrant ainsi que l’homme est une créature à l’imagination débordante ? Références : Taoïsme : SCHIPPER Kristopher (Directeur d’études à l’école pratique des hautes études.)

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